dimanche 10 avril 2011

Triche, mais réussis!

“In America, it’s OK to cheat as long as you cheat your way to the top!”

Eric Cartmenez In: South Park, Season 12, Episode 05



Il n’y a rien de honteux à tricher. Tout le monde triche. Les cyclistes trichent. Les footballers trichent. Les écrivains trichent. Les politiciens trichent. Et même les scientifiques (qui donnent pourtant la rigueur pour gage de leur sérieux), les scientifiques, autant que les autres, trichent. Je sais que cette vérité fait mal. Elle fait mal car elle vient contredire le sens moral commun, celui qui nous est inculqué mômes. Et pourtant... il est vrai, tricher est chose admise, consensuelle, un fait de la société, une pratique acceptée (encouragée parfois!). D’ailleurs, qui n’a jamais admiré la triche, quand on a triché avec art ! Nous rêvons tous de notre main de Dieu, de nos sept maillots jaunes au tour de France, de nos cinq papiers publiés la même année dans Science... Bref, de ce moment de gloire où l’art de tricher nous ferait passer à la postérité.

Permettez-moi de rappeler quelques anecdotes amusantes : Le dernier prix Goncourt a été “entaché” par un minable plagiat de Wikipédia. Et pourtant, personne n’y trouvât rien à dire. Un pauvre hère, qui s’est cru en droit de diffuser le livre sur internet du fait de la viralité des droits de Wikipédia, s’est même vu menacé de poursuites en justice par Flammarion, et il retira la copie électronique du livre qu’il diffusait sur son site web. Tout aussi récemment, puisque les faits datent d’à peine deux mois, le célèbre journaliste français Patrick Poivre d’Arvor (PPDA pour les intimes) était pris la main dans le sac: de nombreux extraits de sa biographie sur Hemingway étaient banalement recopiés du livre de Peter Griffin. Mais tout le monde fit vite de s’en tamponner publiquement, puisque le journaliste biographe fut reçu sur maints plateaux de télévision avec les hommages et les salamalecs qui se doivent à une personne de ce rang. En effet, personne n’ose mettre au ban un journaliste vedette, fût-il récidiviste (cf. la fausse interview de Castro par PPDA).


PPDA : fausse interview de Fidel Castro sur TF1 par ricar_mm

Aux lecteurs qui craignent l’ombre de l’opprobre que l’on porterait sur eux s’ils venaient à tricher, je rappellerai l’exemple de Bernard-Henri Levy (BHL) qui officie aujourd’hui à toutes les tribunes alors qu’il avait démarré sa carrière en se faisant prendre comme un vulgaire voleur de sacs à main. En 1979, l’éminent historien Pierre Vidal-Naquet l’épinglait majestueusement alors que BHL répandait dans un livre prétendument philosophique des bêtises que l’historien qualifia de consternante ignorance (comme de situer le péché originel au 7e jour de la création, ou de citer la déposition de Himmler au procès de Nuremberg, quand bien même Himmler s’était suicidé avant). Mais BHL n’en a eu cure et prit même le soin de répondre aux accusations avec une morgue exemplaire. L’histoire lui donna raison du reste puisqu’il vient d’être promu (de façon non officielle) ministre des affaires étrangères alors que Pierre Vidal-Naquet est mort et enterré. Oui, il est payant de construire sa gloire future sur la fraude et les fausses lectures (cf. affaire Botul).



D’ailleurs, j’enjoins ici tous les jeunes scientifiques à recopier sans vergogne et sans les citer les auteurs dont ils voudraient s’inspirer. Je prends pour cela exemple sur Jacques Attali qui ne s’est jamais gêné pour ce faire (et qui a pourtant brillamment réussi), à telle enseigne que le président Mitterrand avait pour lui ce bon mot que Jacques avait “le guillemet facile” (autrement dit, et par ellipse polie, l’absence de guillemet facile). Il convient de rappeler que se faire prendre n’est pas grave. Ce n’est pas une fatalité. Voyez d’ailleurs comment Alain Minc s’en est bien sorti, lui qui, bien que condamné par la justice à verser 15 000 euros en 2001 pour plagiat, a tout de même réussi à être président du conseil de surveillance (!) du plus grand journal français (Le Monde) puis conseiller non officiel (lui aussi!) du président Sarkozy...

Mais revenons à nos moutons. Car je le devine bien, ces affaires par trop franco-françaises n’inspirent pas grand-chose, sinon du mépris, aux âmes fines et férues d’histoire des sciences qui lisent Le Recherché. Malheureusement, les histoires en sciences, de par leurs enjeux, de par leur portée, sont pires... Je laisserai aux soins du lecteur de s’arracher à ses dernières illusions en allant se renseigner sur l’affaire des affabulations de Jan Hendrik Schön. J’ai encore trop de cœur pour m’adonner à de tels extrémismes. Par contre, je conterai avec délectation l’histoire de Rosalind Elsie Franklin, tant elle est pleine d’enseignement et d’ironie.

En 1953, James Watson et Francis Crick publient dans Nature un papier où ils présentent la structure à double hélice de l’ADN. Ce travail leur vaudra le prix Nobel de médecine en 1962. Or il est avéré que ce travail a non seulement été rendu possible par les recherches de Rosalind Franklin (qui ne fut jamais citée, cela va sans dire), mais il est surtout le résultat d’un vol pur et simple. En effet, c’est grâce au cliché 51, obtenu par diffraction aux rayons X par Franklin, que les derniers doutes portant sur la structure à double hélice de l’ADN ont pu être levés. Ce cliché a été usurpé à Rosalind à son insu par ses collègues à Cambridge. Et comme si le recel ne suffisait pas au tort qu’on lui fit, le sort a voulu que cette malheureuse mourût d’un cancer des ovaires en 1958, soit quatre ans avant le Nobel de ses confrères. Voyez l’ironie ! Non seulement le bénéfice de son travail est volé à une femme du fait du machisme du milieu scientifique, mais en plus elle meurt prématurément d’un cancer typiquement féminin provoqué par les expériences en laboratoires auxquelles elle se prêtait... Ainsi, une seule conclusion pour qui veut percer: pour réussir, il faut tricher!

Avertissement conclusif: Attention second degré. Si les quelques faits historiques qui sont relatés ici sont vrais, il faut comprendre que le trait est volontairement exagéré et le ton décalé pour de pures raisons stylistiques. Il n’est en aucun cas de mes intentions d’encourager la triche, de lui trouver des justifications pragmatiques ou quelque assertion contraire à la morale qui ferait de moi un malotru, un nihiliste, un dégénéré, voire même un sale. Mon seul objectif en écrivant ce texte est modeste : faire un peu d’argent en tentant de gagner celui du concours de l’AÉCSP dont les coffres n’en peuvent visiblement plus de contenir les cotisations des étudiants.

En bonus pour Kaka-Kiri, la séquence d'Eric Carmenez

mardi 16 mars 2010

Les sondages

Les élections régionales m'inspirent une petite pensée. Si Marine Lepen a eu raison de rester sourde à "l'égo démesuré" des sondeurs durant les élections régionales en France, elle ne doit pas donner cher du procédé médiatique qui consiste aujourd'hui à se trouver des excuses en jouant la carte de l'absention, un procédé que les anglos appellent rationalisation.








Je cite Le Monde:

Le FN est le talon d'Achille du sondeur, sa terreur depuis le séisme politique du 21 avril 2002. Difficile à débusquer, particulièrement dans un contexte de forte abstention qui accroît la variabilité potentielle des réponses aux enquêtes.


Et c'est là que le bât blesse. Si depuis des années, le biais fort des sondages est le taux d'abstention, pourquoi ne voyons-nous jamais de sondage prédisant l'absention.

J'imagine d'ici les titres: UMP 20%, PS 25%, Abstention 55%. Comme disait Coluche, votez blanc.

vendredi 5 février 2010

L'interdit de penser

Pratiquer les mathématiques en dilettante, en amateur ou en professionnel est un exercice intellectuel de haute voltige. La preuve y est souvent ardue, acrobatique mais sublime. Sublime car elles sont sûres d'elles-mêmes, les mathétiques. Comme ces chats que l'on peut jeter dans les airs et qui retombent sur leurs pattes. Elles savent y faire d'ailleurs, les maths: partant d'un raisonnement aberrant (absurde qu'elles disent), elles parviennent toujours au vrai, sans jamais faillir. Leur monde est cohérent.


dessin


Le monde des hommes n'est pas aussi unanime. La contradiction lui est consubstantielle. Il y est souvent difficile de séparer le vrai du faux. Certaines réalités semblent mêmes ingénues, pouvant passer tout autant pour le vrai que pour le faux. Il serait néanmoins absurde (justement) que de refuser de gratter le vernis de la réalité, que d'interdire à son intelligence de modeler le monde et d'essayer de le comprendre.

Le concensus médiatique français se jette précisément dans ce cul-de-sac. Il (se) refuse la pensée. Il (s')interdit certaines idées. En vérité, il récuse l'hypothèse. J'en reste constamment médusé. Les moyens employés à cette fin me dégoûtent, surtout l'assassinat médiatique qui se pratique aujourd'hui avec une totale désinvolture (voir l'affaire Siné-Val par exemple).

Lorsque Bigard ou Kassovitz émirent des doutes sur le 11 septembre, à tort ou à raison, comment expliquer le mouvement de masse de l'armada journalistique qui a sorti son flingue? Les journalistes français ne craignent d'ailleurs pas le ridicule, allant jusqu'à qualifier de négationniste un homme dont une grande partie de la famille a péri dans les camps. Il est à ce propos intéressant d'écouter l'intéressé sur le sujet. Présent chez Picoli pour parler du documentaire Apocalypse, il revient ici sur son intervention chez Taddei et l'accusation de négationnisme qui s'en est suivie (min. 5:15):



11 Septembre 2001: itw de Kassovitz sur Fr5 chez Picouly

Taddeï aussi a soupé. Lui qui a offert au paysage audiovisuel un véritable espace de débat, permettant aux invités de s'exprimer, animant les discussions tout en refusant d'en être le centre, il est malheureusement tombé aux mains du caporalisme intellectuel français, obligé qu'il fut d'abjurer, de décliner sa pensée, alors que l'essence de son éthique professionnelle est de laisser parler les invités sans qu'on ait à souffrir son grain de sel. Les choses ne pouvant s'arrêter là, le voilà qui subit derechef (à la télé de ses débuts en prime!) un lynchage médiatique qui déshonore un peu plus la France.



Taddei seul contre tous

La France semble justement terrifiée de se tromper, elle s'interdit de se tromper. C'est précisément en cela qu'elle se trompe. On a droit à l'erreur. Si il y a bien une vertu à tirer des mathématiques, c'est que l'aberration d'une pensée, si aberration il y a, va forcément en contradiction avec la réalité. C'est en cela que l'erreur est le meilleur vecteur pour atteindre le réel. En se trompant, on comprend.