jeudi 9 octobre 2008

Mézonc' René et Raymond

Les élections fédérales qui s’en viennent passionnent peu. Les libéraux tentent de se faire une nouvelle virginité. Les conservateurs se donnent des airs populistes. Le NPD joue la carte du vedettariat. Le Bloc... Il fait quoi le Bloc, déjà ?
Voilà tout le hic avec ce non événement de l’année: tout le monde s’en fout. Que les conservateurs prennent le pouvoir à la majorité, ça change quoi ? Ça peut sembler triste, mais je crains de traduire simplement une lassitude générale.
Non? Y a pas dans l’air comme une lassitude générale ? Tout le monde autour de moi : « Je ne sais pas pour qui voter », « C’est bonnet blanc blanc bonnet », « Du Ketchup avec vos frites ? »....


Mézonc Roger et Raymond déguisés en maghrébins
pendant un safari dans la banlieue parisienne.


Alors pour mieux me rendre compte de l’état de la crise, mieux cerner l’étendu des dégâts, j’ai cru bon de m’adresser aux experts, aux vieux de la vieille, aux rapaces des enjeux de la politique fédérale, ceux qui en ont vu de toutes les couleurs, de toutes les époques et de tous les saints dieux...

Mézonc René et Raymond sont des ivrognes invétérés. Arc-boutés sur leurs tabourets trônant sur la rue Sicard dans le quartier de Hochelaga-Maisonneuve, les deux bougres lorgnent les jupes qui se raccourcissent d’année en année, sirotent une interminable Molson Export, la bière sans goût depuis 1903, et dissertent à n’en plus finir sur la littérature journalistique que publie quotidiennement le Journal de Mourial.

Je les ai trouvés après l’heure du dîner. Mononc René rotait son rôti de porc. Mononc Raymond roulait patiemment une crotte de nez qui prenait sous sa main experte la forme d’une sphère parfaite. Une brise vespérale allégeait l’air qu’un été trop capricieux avait rendu lourd.

Ils me saluèrent comme seuls eux savent faire, de cet air bonasse qui me fait dire que j’ai trouvé une seconde parenté en cette terre d’exil : « Salut toé. Il est où ton chameau ? » C’était le bon père Raymond qui parlait, et il le fit de cette voix de tondeuse à gazon que lui donna son chirurgien depuis qu’il le guérit d’un crâbe qui lui rongeait le larynx. « Elle est où ta Shéradaz des mille et une nuits ? », reprenait Mononc René de plus belle ; « Mille et une nuits de partouze », renchérit le bon père Raymond sur un vibrato sublime.

Je m’assis sur une des marches qui menait à leur appartement et décapsulai une petite frette pour leur tenir compagnie. « Ça va, mes vieux crisses », dis-je en préambule et avec l’intention de détendre l’atmosphère. Je le fis d’ailleurs sur un air de décontraction par lequel j’espérais témoigner mon assimilation parfaite. « Tu vas pas nous demander de t’accomoder raisonnablement, l’Arabe... », m’invectiva Mononc René dans une atmosphère d’exhalaisons de porc digéré et mariné à la bière. Décidément, les deux ivrognes me tenaient en respectueuse affection. Je corrigeai : « Non, mes osties, les sacraments de journalistes du Polyscope m’envoient faire un Vox Pop pour palper du poul de la populace. Rapport aux élections fédérales qui s’en viennent. Vous en pensez quoi, des élections, les vieux crisses ? » Mononc Raymond lâcha un rôt qui fit légion et s’exlama sur un ton on ne peut plus assuré : « On s’en sacre, caâlice ! »

Et je dois bien avouer que, suite à ces paroles sages et éclairées, il ne me reste plus rien à ajouter. À vous les studios. À vous Cognac G.

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